(s)aint ø kamunyo

L'Érudite frissonna. Le vent en montagne était particulièrement fort et froid, malgré le soleil qui frappait les monts. Elle passa le seuil d'un entrée sublimement décorée de scènes en tout genre. Rien ne semblait avoir bougé depuis l'apogée de la civilisation qui régnait ici, et pourtant, tout souffle de vie avait quitté les lieux. Tout était mort et immobile. Sauf elle.

Sauf elle et moi. Je n'étais pas bien loin de là où se trouvait la lionne, mais l'absence de vent n'aidait pas à se repérer, dans le coin. Avec calme - comme toujours -, je longeais les ruines d'une vieille bâtisse, subjugué.

La lionne entendit tes pas dans le temple abandonné. Elle tourna la tête vers toi, mais ne te vit pas. Pourtant, elle te sentait venir vers elle. Alors, elle se contenta de s'asseoir silencieusement, te laissant continuer ta marche et la rencontrer.

Ce ne fut pas son odeur qui m'avertit de sa présence, mais sa silhouette qui se découpa dans le paysage, féline. D'un pas nonchalant, je me dirigeais vers la lionne, qui semblait me fixer, l’œil hagard. Je ne faisais peut-être pas partie des Érudits, mais je savais reconnaître le handicap chez les autres. C'était une sorte de sixième sens. « Je vous salue, demoiselle. » J'étais bien loin de me douter que je m'adressais à la Reine des Erudits, n'ayant pas rencontrer beaucoup d'autres lions dans ma vie, hormis ceux de mon clan.

À ta venue, Morrigan resta immobile, mais une étincelle vivante et agréable se diffusa dans ses prunelles orangées. Elle aussi ignorait ton statut, et t'adressa un respectueux signe de tête. « De même. Je me présente: Morrigan, Reine des Érudits. » annonça-t-elle d'une voix calme et posée, sans aucune froideur.

C'était fort agréable que de rencontrer une lionne qui n'était pas hostile à ma présence. Enfin, je ne pense pas être l'un des lions les plus désagréables à côtoyer, mais à l'odeur je devinais que nous n'étions pas du même clan, dans tous les cas. Même si nous étions sur les terres libres, certains oubliaient la passivité du lieu qui faisait tout son charme. Soit, cette lionne ne sonnait Morrigan, et elle semblait tout à fait charmante. Le bout de ma queue s'agitait doucement de gauche à droite, un tic que j'avais depuis que j'étais petit. « Enchanté, Morrigan. Je me nomme Kamunyo, protecteur des Sincères. » Roi était un terme un peu trop prétentieux pour moi, bien que je sois fier de remplir ce rôle ô combien important pour moi.

Morrigan hoche la tête, étonnée de voir que les Sincères aient trouvé leur roi si tôt. « Royal reprend forme, on dirait. »

J'inclinais légèrement mon large visage lorsqu'elle exprima son enchantement, par pure politesse. J'étais un lion extrêmement courtois auprès des lionnes en temps normal, mais j'avais face à moi une Reine. Il ne s'agissait donc pas seulement de bien s'entendre avec une tiers personne, mais avec un clan tout entier. Et je savais que ce n'était pas un jeu, alors je demeurais parfaitement sérieux. « En effet, et cela me réjouis beaucoup. Je suis né sur ces terres. J'aurais été chagriné de devoir fonder ma troupe ailleurs. » Avouais-je d'un air cordial, sur le ton de la confidence.

Mieux valait, avec Morrigan, faire bonne impression. La lionne ne dit rien, ne montre rien, mais pense. Observe. Réfléchit. Et une fois que vous avez activé les engrenages des tensions et autres troubles, ils ne vont que dans un sens: le pire. « Vous êtes né ici? Chez les Sincères, donc? » s'enquit-elle, récoltant le plus d'informations possibles.

Si cette discussion se changeait en interrogatoire, il était de mon devoir de me méfier. Il s'agissait là d'une lionne d'une autre troupe, et la moindre information pouvait compromettre la sécurité de ma troupe toute entière. Jusqu'ici, rien de bien méchant, mais je m'efforçais de rester sur mes gardes. « C'est exact. Je suis né chez les Sincères et j'y mourrais sans aucun doute. » Mais je ne pouvais m'empêcher de penser qu'elle voulait me mettre à nu, alors je lui renvoyais la pareille. « Et vous, où êtes-vous née ? »

« Chez les Érudits. » répond-elle, voulant de son côté ne rien divulguer de compromettant. Elle voulait sa Troupe relativement isolationniste, et surtout, secrète. Si Morrigan prenait des décisions, elle ne souhaitait pas que tout Royal le sache. Mais il était pour elle essentiel d'analyser chaque membre de chaque Troupe, histoire de maîtriser la situation, mais pas forcément dans de mauvaises intentions.

Visiblement, elle voulait se la jouer secrète. Très bien, il s'agissait de son choix, et de mon côté je demeurais méfiant. Le bout de ma queue s'agitait calmement de gauche à droite, attestant de mon calme. Je passais ma langue sur mes babines, ressentant les morsures du soleil sur ma peau. Je commençais à avoir soif. « Connaissez-vous un lieu proche où je puisse m'abreuver, Morrigan ? »

Elle incline la tête d'un signe affirmatif, avant de se relever, et de débuter le chemin qui menait au lagon des terres libres. Sans même l'attendre, elle réfléchit à quelle serait la route la plus courte, et commence à bifurquer au beau milieu des ruines, à l'intérieur de la montagne.

Je la suivis alors. Elle avait donc décidé de me montrer le chemin plutôt que de me l'indiquer. Peut-être n'était-ce pas si mauvais signe que cela, après tout. Je gardais une distance respectueuse entre son arrière train et moi-même, histoire qu'il n'y ait pas de malentendu.

Respirant calmement et silencieusement, la lionne observe les petites caillasses qu'elle tapait de ses grandes pattes griffues. Bientôt, le lagon, grand et bleu se fait apercevoir. Morrigan s'assoit alors, et tourne la tête vers Kamunyo, sondant son regard.

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